Au cours des siècles, la ferveur pour la quête des plantes, bien moins excessive que celle pour la ruée vers l'or en Californie, a produit parmi les botanistes des comportements qui s'apparentent à la folie.
L'âge d’or, fut le 18ème siècle. Période où l’engouement pour les sciences atteint ses sommets au travers de grandes expéditions où botanistes et voyageurs aventuriers prennent part : ils se nomment Plumier, Tournefort, Poivre, Commerson, Bougainville, Rousseau ou Humboldt... Ils entreprennent une description systématique des nouvelles plantes découvertes qu’ils introduisent en Europe. Pour réaliser la partie imagée de ce travail, ils s'adjoignent des artistes de talent. Certaines de ces plantes connaissent leur heure de gloire : la folie des Tulipes fait rage dès le XVIIe siècle, le Camélia trône sous le premier Empire, le Dahlia fleurit le règne de Louis-Philippe, les Orchidées s'arrachent à prix d'or à la fin du XIXe siècle.
Leur origine laisse à beaucoup un air d'exotisme, mais leur allure change souvent sous les doigts habiles des grands horticulteurs européens.
Cette exposition retrace le parcours des plantes sur quatre siècles et demi. Il s'agit de l'histoire de ces découvertes botaniques mais aussi celle de la recherche de nouvelles introductions, liées à l'évolution des modes dans le jardinage.
Empire Ottoman
La première grande vague d'introduction vers l'Europe occidentale provient de l'Empire Ottoman où peu de botanistes, explorateurs et ambassadeurs, ont osé s'y risquer. Missionnés par les grands monarques de l'époque, ils poussent l'aventure jusqu'aux confins de l'Asie Mineure. C'est pourquoi, dès 1560, Crocus, Perce-neige, Cyclamens, Jacinthes et surtout les Tulipes, avec l'historique de la Tulipomania, arrivent en Europe.
L'Amérique
Quelques plantes américaines, comme le Tournesol, des Cactées, ont déjà été introduites en Europe avant 1600, mais l'afflux des espèces issues du Nouveau Monde, débute vers 1620 et se poursuit pendant presque un siècle, amenant de France des Fuchsias et Dahlias, Pétunias Verveines. Peu à peu, les introductions d'Amérique du Nord : Tradescantias, Oenothères, Vigne vierge de Virginie, Trillium, Rubeckias, s'accentuent avec des arbres et arbustes : des Conifères, Magnolia, Robinier.
L'Afrique
Mais pour les fleurs, la source d'approvisionnement principale est la colonie hollandaise du cap de Bonne Espérance, le reste de l'Afrique reste "terra incognita" pendant de longues décennies. Leyde et Amsterdam sont les principaux centres d'introduction pour l'Europe. La plupart de ces plantes arrivent directement dans les nouvelles serres des membres des classes sociales aisées. On y cultive Crassulas, Stapélias ou autres Succulentes, Protées, Géraniums et Bruyères du Cap.
L'Australie
C'est au 18e siècle, témoin des expéditions scientifiques de botanistes que l'on ramène des spécimens intéressants ; c'est ainsi que l'on commence à cultiver des plantes australiennes. Le nom de "Botany Bay" témoigne d'ailleurs de toute l'importance accordée aux introductions végétales issues de ce nouveau territoire. Banksias, Grevilléas, Mélaleucas, Métrosidéros, Chorizemas, font la joie de ceux qui, encore rares, peuvent se permettre de les cultiver ainsi.
L'Asie
Des Indes viennent les Rhododendrons, Azalées, de Chine, Glycines certaines variétés de Chrysanthèmes, Pivoines et Camélias, héritage d'une longue tradition de culture. Et même du Japon, après son ouverture à l'Occident en 1854, commence à fournir Iris, Hydrangeas et Erables.
Les transports des Plantes
A partir du XVIIe siècle toutes les curiosités naturelles découvertes, d'Asie, d'Amérique, d'Afrique et d'Océanie, sont acheminées par bateau en direction de l’Europe. Des "Jardins flottants sur l'océan", tel est l'expression employée à l'époque pour définir les navires dont le pont était couvert des grandes quantités de végétaux qu’ils rapportaient en Europe.
Les Jardins de port et les Jardins botaniques
En France dès le 18e siècle, on crée des jardins botaniques. Certains ports français deviennent entrepôts du Jardin royal de Paris.
Les premiers jardins botaniques hors d'Europe situés sur les routes maritimes, jouent un rôle majeur dès le 17e siècle : le jardin du Cap en Afrique du Sud créé en 1652 par les Hollandais, celui de Pamplemousse à l'Ile Maurice en 1735 par les Français… Au 19e siècle, apparaît dans les colonies françaises, de l'Algérie à la Cochinchine et Madagascar, le Jardin d'acclimatation ou Jardin d'essai destinés à la culture industrielle des plantes comme l'hévéa, cacao, café, coton, thé…
C'est le navire, vecteur de ces découvertes, qui a permis l'introduction en Europe d'une très grande majorité d'espèces végétales. Le philosophe Michel Foucault, résuma le rôle éminemment pratique du transport maritime.
"[…] le bateau, c’est un morceau flottant d’espace, un lieu sans lieu, qui vit par lui-même, qui est fermé sur soi et qui est livré en même temps à l’infini de la mer et qui, de port en port, […] va jusqu’aux colonies chercher ce qu’elles recèlent de plus précieux en leurs jardins ; vous comprendrez pourquoi le bateau a été pour notre civilisation depuis le 16e siècle jusqu’à nos jours, à la fois, non seulement bien sûr le plus grand instrument de développement économique, mais la plus grande réserve d’imagination […]" Michel Foucault, conférence à Paris le 14 mars 1967.
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